• Domestiques: des femmes, un combatNous sommes allés à la rencontre d’un syndicat  d’employés de maison  (South African Domestic Services and Allied Workers Union, SADASAWU), au Cap. 
    A notre arrivée nous avons été accueillis chaleureusement  par  onze femmes membres de ce syndicat. Elles nous ont expliqué avec  beaucoup d’entrain  leurs  conditions de vie et de travail ainsi que le but de leurs actions.

    SADASAWU  a  été créé en 1977, durant l’apartheid la situation des maids (les femmes de ménage) était  humiliante, elles n’avaient pas d’identité, pas de droits, pas de contrôle même sur leur propre vie et devaient rester  dans l’ombre de leur maître.
    Elles commençaient dès sept heures du matin, jusqu'à une heure définie par leur « madam » (leur employeur, traditionnellement la maîtresse de maison) et ce sans interruption. Logées dans l’arrière cours de leurs maîtres et à peine nourries par les restes de leurs patrons ; elles étaient contraintes d’être éloignées de leur  famille pour ne pas être mises à la porte. C’est le cas de la présidente, Esther Stephens, qui nous a raconté avec des larmes dans la voix qu’elle avait dû laisser son fils auprès de sa mère pour élever les enfants de sa maîtresse. Et de nous expliquer qu’elle était souvent inquiète que son fils ne tombe dans la criminalité et la délinquance, étant dans l’impossibilité de l’élever elle-même.
    Malgré toutes les humiliations qu’elles ont subies, ces femmes ont donné beaucoup d’elles-mêmes  pour tenter de faire entendre leur cause. Elles ont par exemple séquestré un ministre du travail et ce sont également enchaînées aux grilles du parlement. C’est grâce à  ces actions extrêmes que l’on peut dire à présent que les choses avancent.
    Mais toutefois, ce ne sont que de petits pas vers le but visé ; comme nous l’a expliqué Esther, l’Afrique du Sud est un pays qui a une constitution  très complète et  des lois sociales très élaborées, mais celles-ci ne sont souvent pas appliquées. Certaines domestiques travaillent 7 jours sur 7 au lieu des 5 jours réglementaires. Le salaire qu’elles perçoivent (minimum légal), varie de 500 Rands à 1100 Rands par mois (suivant la zone géographique), ce qui ne leur permet pas d’avoir droit à des prêts d’accession à la propriété. Du fait que la plupart habitent encore chez leur employeur, elles doivent batailler pour avoir droit à une vie privée : Stella, une jeune femme très énergique nous racontait comment elle avait négocié certains moments de liberté lors de son embauche il y a douze ans : à la « madam » qui lui interdisait de recevoir des hommes sous son toit, elle lui rétorqua : « Madame, si j’ai besoin de satisfaire certains besoins, devrais-je le faire alors avec vos fils ou votre mari ? », obtenant immédiatement ainsi son droit à l’intimité. Mais pour une Stella à forte personnalité, combien de femmes soumises, n’ayant aucune vie personnelle ?

    Même si depuis la fin de l’apartheid, le gouvernement  est aux  mains  de personnes censées représenter les plus démunies, on ne peut pas dire que les mesures prises pour aider  les domestiques soient efficaces.  Suite à la victoire électorale de Jacob Zuma, les membres de SADASAWU espèrent  que  leurs  droits seront enfin respectés. Mais comme elles le disent : «Un gouvernement ne peut avancer que s’il est surveillé de très près, on garde donc un œil sur Zuma, et on ne va pas le lâcher ».

    Le travail de ce syndicat est d’autant plus admirable qu’il est difficile à mener en raison de la dispersion des ces travailleuses isolées chez leur employeur, et de la difficulté de les atteindre de manière autonome, « surveillées » en permanence par leur « madam ».

    Lorsque nous leur avons demandé si la nouvelle bourgeoisie noire traitait différemment leurs employées de maison, l’une d’entre elles a laissé échapper le mot « pire », information confirmée par la présidente, nous rappelant que nation arc-en-ciel ou pas, l’exploitation n’est pas liée à la race mais à la classe sociale. Et de nous raconter une expédition menée dans le quartier où résident les parlementaires (noirs, pour la plupart), où le syndicat, accompagné de journalistes, a pu constater que les employées de maison sont encore qualifiées du terme péjoratif de « maids » (bonnes ), et honteusement exploitées, comme au temps de l’apartheid.

    Stella nous confiait en partant que manifester n’est pas une chose facile pour les domestiques, tant il y a une honte attachée à leur statut ; pour notre part, nous n’avons que pu rester admiratifs devant leur courage, leur dignité. Sans parler de leur joie de vivre communicative : nous nous sommes quittées à regret (réciproque), en chansons et en danses.

    PS : pour ceux que cela intéresse, nous vous renvoyons au site des créateurs de Madam and Eve, caricaturistes qui décrivent avec humour la vie d’un binôme Madame et sa bonne, bande dessinée publiée quotidiennement dans les journaux sud africains : http://www.madamandeve.co.za

    Anna, Zubéria, Aminata, Khady, Tomima.

    Photos Anna

    Domestiques: des femmes, un combatDomestiques: des femmes, un combat


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  • Excursion touristique à Robben IslandAujourd’hui nous avons visité l’ancienne prison de Nelson Mandela : Robben Island Prison, sur une île au large du Cap.

    Avant de devenir une prison, Robben Island était un endroit où les lépreux étaient mis à l’écart vu la gravité de la maladie.  Cette prison fait partie des monuments les plus visités  d’Afrique du Sud car dans ce lieu étaient incarcérés les hommes les plus importants de la lutte contre l’Apartheid, notamment Nelson Mandela (qui y a purgé 18 de ses 27 ans de détention) et Jacob Zuma  (actuel président sud africain).

    Elle était divisée en 4 parties :

    - une prison pour Robert Sobukwe, qui a été un des premiers noirs à revendiquer « black human rights ». Pour cela il a passé 6 ans en cellule d’isolement sans pouvoir adresser le moindre mot à quiconque.

    - une prison pour les prisonniers politiques.

    - une prison pour les Namibiens appartenant à la SWAPO (mouvement de libération de la Namibie).

    - une prison pour les malades (contagieux).

    Et comme toutes les prisons politiques, les prisonniers vivaient dans de très  mauvaises conditions : par exemple a été conservée comme lieu de mémoire la carrière où les prisonniers étaient obligés de casser des blocs de pierres sans utilité et sous la menace des chiens.

    En outre , cette visite est devenue plus marquante lors de l’intervention d’un ancien prisonnier dont la fonction est désormais de nous faire visiter les cellules, dont celle très petite de « Madiba » Nelson Mandela et de ses « comrades » (camarades) de lutte. Il nous a aussi expliqué comment certains ont fait pour s’évader de l’île (le plus souvent à la nage). Mais durant l’Apartheid aucune évasion n’a été possible.

    Cette prison était destinée uniquement aux « noirs », aux « métisses » et aux « indiens » et en plus de cela ils n’étaient pas appelés par leur nom mais par des numéros d’immatriculations.

    Le régime appliquait l’Apartheid au sein même de la prison puisque les Noirs n’avaient qu’aux shorts sans chaussures alors que les Métisses et les Indiens portaient pantalons et chaussures. C’est Mandela  qui s’est saisi de cette injustice (parmi de nombreuses autres) pour revendiquer ses droits et ceux de ses compatriotes (des pantalons pour tous les prisonniers !!). Le lendemain, il a remarqué qu’il était le seul à avoir un pantalon dans sa cellule et pour montrer que tout le monde est égal il a décidé de ne pas le mettre.

    Quant à notre guide il nous expliqué qu’à l’âge de 16 ans, lors des mouvements des lycéens et étudiants contre l’enseignement en afrikaans (1976 / 1977), il est devenu militant et a rapidement opté pour la lutte armée, ce pour quoi il a quitté clandestinement le pays pour aller suivre des entraînements militaires et de guérilla urbaine dans de nombreux pays d’Afrique Australe comme l’Angola, et même jusqu’en RDA. Quand il est revenu dans son pays il a été arrêté en 1984 et a été condamné à 7 ans de prison à Robben Island.

    Cette visite est intéressante car c’est le lieu symbolique de la lutte anti-apartheid, cependant le côté un peu touristique (visites chronométrées, prison fraîchement repeinte, etc.) nous un peu laissés froids.

    Anthony, Cecilia, Fatou et Raïsha

    Photos : Cecilia (et 1 de Jessica)

    Excursion touristique à Robben IslandExcursion touristique à Robben Island


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  • Dave, notre chauffeur (blanc, Afrikaner) lors de notre excursion au Park Kruger, a bien voulu nous accorder une interview :

    Etats d'âme d'un AfrikaanerLucile & Tomima : Aimez-vous votre métier ?

    Dave : Oui, j’aime être sur la route, me sentir libre en voyageant et faire de nouvelles rencontres.

    L&T : Est-ce un métier difficile ? Vous êtes souvent loin de votre famille…

    Dave : La vie c’est des choix, en effet c’est un métier fatiguant ; mais il faut bien gagner sa vie. Je le fais pour ma famille.

    L&T : Que pensez-vous de l’Afrique du sud d’aujourd’hui ?

    Dave : Le pays va bien…  les changements effectués après 1994 étaient nécessaires, mais trop rapides. Je pense que l’Afrique du Sud n’était pas préparée aux changements et je peux même aller plus loin en vous avouant que pour moi , dans dix ans, ce pays sera comme le Zimbabwe (Cf. au Zimbabwe, suite à la politique menée par Mugabe, les blancs se sont fait expulser de leurs terres au profit des noirs).

    L&T : Que pensez-vous de ces précédentes élections ?

    Dave : Zuma est un criminel ; tout le  monde au  gouvernement est corrompu et soupçonné de fraudes. Je pense que l’ANC ne tient pas ses promesses. Et personnellement, comme presque tous les afrikaners, je suis pour la D.A (Democratic Alliance, parti centriste, ancien parti afrikaner blanc) et je peux vous dire que de plus en plus de noirs, notamment dans la province du Cap, votent également pour ce parti.


    L&T : Comment vivez-vous l’après apartheid ?

    Dave : Comme je l’ai déjà dit, ça a été un changement très rapide. Les sud africains essaient de plus en plus d’oublier ce passé douloureux. Je pense tout de même que cette situation est plus difficile pour moi que pour mes enfants. Ils côtoient sans problèmes des noirs puisqu’ils n’ont jamais connu cette séparation.


    L&T : Quelle était votre situation avant l’apartheid ?

    Dave : J’étais patron dans une entreprise de transport routier, j’avais 30 camions, j’avais une situation plutôt bonne.


    L&T : Et après l’apartheid ?

    Dave : J’ai dû tout vendre en 2002, à cause de nombreux problèmes avec les syndicats  (salaire minimum, grèves, etc.). Depuis j’ai acheté deux minibus et je travaille à mon compte de temps en temps. Niveau salaire, il est vrai que j’ai beaucoup perdu avec ces changements.


    L&T : Ah oui ? Et pensez vous que cette situation est la même pour bon nombre d’Afrikaners ?

    Dave : Certainement, car depuis de la fin de l’apartheid, dans le cadre de la politique du « Black Economic Empowerment »  (accès au pouvoir économique de la classe noire), les entreprises ont la quasi-obligation d’employer au moins 80% de noirs, ce qui fait que les blancs cherchant du travail ont plus de difficultés à être embauchés.  D’après moi ce n’est pas une bonne chose, car une personne doit être embauchée pour sa qualification et non pour la couleur de sa peau. Nous, afrikaners, nous appelons ça le «black enrichment ». Cela profite à une minorité de noirs qui deviennent très riches alors que la majorité reste pauvre.


    L&T : Et sinon, que pensez-vous de Nelson Mandela ?

    Dave : Je pense que c’est un homme bien, noble et honnête et que c’est grâce à lui que ça n’a pas éclaté au début des années 90. A mon avis quand il va mourir tout va changer… l’ANC fera ce qu’elle voudra, elle changera la constitution et certaines lois, accordant l’impunité à des politiciens criminels !

    L&T : Si cela arrive, vous voyez vous quitter l’Afrique du sud ?

    Dave : Non! Je ne partirai jamais!

    Interview et traduction : Lucile et Tomima
    Photo : Lucile




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  • Orphelins de JohannesburgThe Bethany House Trust est une association privée, financée en partie par l’Etat sud-africain, fondée et dirigée par Gert Jonker et son épouse. Gert est un ancien détective de la police nationale sud-africaine.

    Elle accueille des enfants abandonnés ou placés par l’Etat et s’occupe de nourrissons et d’enfants  âgés de 0 à 18 ans.

    Cette association ne fait pas tout simplement de la garde d’enfants, elle vise avant tout à la réinsertion  des enfants dans la société : par exemple, ils  gardent le contact avec l’extérieur, ils vont dans des écoles publiques même si certains y ont droit à un accompagnement spécifique de la part des psychologues de l’association, visant à leur permettre de s’exprimer pour  évacuer leurs sentiments.

    Autre action particulière : elle fournit  aux enfants victimes de viol et de violence une équipe de psychologues qui les aidera à aller témoigner lors du procès de leurs agresseurs. Lors des audiences, les enfants ne sont plus directement confrontés à leurs bourreaux, ils sont dans une pièce a côté qui est reliée à la salle d’audience par vidéo, et où les questions posées sont reformulées par un psychologue qui joue le rôle d’intermédiaire, visant à rendre l’interrogatoire moins traumatisant. 

     Durant cette journée (jeudi 23 avril) nous avons vu des orphelins, certains d’entre eux ont été abandonnés, tel ce bébé de 3 mois trouvé dans une décharge peu de jours avant notre visite.  D’autres sont orphelins parce que leurs parent sont morts du sida ou de mort violente,  certains de ses enfants ont eux-mêmes subi des abus ou violences à caractère sexuel. Nous avons plus particulièrement rencontré des enfants en bas âge. On a pu constater que quelques uns d’entre eux avaient l’air perdus : ils ne répondaient pas quand on leur parlait, comme ce petit garçon si mignon et qui avait l’air si triste, le regard vide.

    Cette visite nous a aussi permis de voir le foyer de Bethany House où ces enfants vivent (6 mois, en moyenne), avant d’être placés dans des familles d’accueil ou d’adoption. Les locaux sont propres, bien équipés et aménagés avec goût, le jardin est verdoyant, les toboggans resplendissants. Il y a 54 personnes qui travaillent pour cette association. On a également pu constater qu’il y a beaucoup d’enfants noirs, mais aussi quelques enfants blancs. Des blancs, parce que les familles blanches ne sont plus toutes dans une aussi bonne situation que pendant l’apartheid : à cause d’une politique de discrimination à l’embauche,  il y a une augmentation d’une classe de pauvres blancs.

    Avec The Bethany House Trust on peut voir que les droits de l’enfant sont appliqués dans ce pays, et ce  grâce à l’action de l’Etat : celui-ci s’implique dans le placement des enfants abandonnés ou en danger, dans le financement des structures qui les accueillent : voilà un domaine où l’action de l’Etat est déterminante, même si, comme nous l’a expliqué Gert Jonker, il a tendance à confier certains aspects de sa mission à des structures privées, sans financer toutefois la totalité de leur action.


    Photos : Hawa, Joanne
    Texte : Hawa, Aminata, Joanne et Alvin

    Orphelins de Johannesburg

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  • L'Apartheid au musée?Pour notre dernier jour à Johannesburg, nous sommes allés visiter le musée de l'Apartheid. A l'entrée du musée, nous avons été surpris de voir 3 jeunes Sud-Africains : 2 noirs et 1 blanc qui se rendaient ensemble au Musée. Depuis notre arrivée, c'est la première fois que nous avons vu cela.

    Le musée présente l'histoire de l'Afrique du Sud depuis 1948. Nous avons pu voir plusieurs choses qui nous ont marqués comme l'immense char de guerre, qui lors des manifestations (comme par exemple celle de Soweto) tuait des milliers de personnes. Certains étaient écrasés, d'autres fusillés, des chiens étaient également utilisés pour attaquer les manifestants comme nous avons pu le voir dans notre précédente auberge avec  M. Lebo, le patron des lieux, qui a été victime de morsures lors des émeutes de Soweto.

    De plus, des vidéos de manifestants ont été projetées sur écran géant où l'on pouvait voir les policiers massacrer la population civile sans arme et sans défense. Les scènes étaient sanglantes, émouvantes et éprouvantes. Or, ceux qui avaient "la chance" d'échapper aux chars, pouvaient être arrêtés par la police et étaient soumis à un châtiment tout aussi cruel. Les manifestants arrêtés étaient mis dans des cellules d'isolement et pouvaient par la suite être pendus.

    Le musée était constitué d'une importante seconde partie consacrée entièrement  à Nelson Mandela avec diverses vidéos, photos, objets et citations. Cet homme est reconnu comme étant une figure importante de la paix en Afrique du Sud et dans le monde (Prix Nobel de la Paix). Le 10 Mai 1994, il a été élu Président de la République de l'Afrique du Sud où il a instauré le 1er Régime Démocratique Sud-Africain.

    Jusqu'à ce jour, l'ANC (African National Congress), le parti de Nelson Mandela est toujours aussi populaire dans le Pays. C'est pourquoi Jacob Zuma, leader actuel de l'ANC et candidat aux élections présidentielle a  été élu aux élections du 22 Avril.

     

    L'Apartheid au musée?




















    "To be free is not merely to cast off one's chains, but to live in a way that respects and enhances the freedom of others."  Nelson Mandela


    Zuberia, Anna, Aminata, Tomima et Khady
    Photos : Anna

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